Affaire Code Lyoko c/ The Black Eyed Peas : du nouveau pour la prescription de l’action en contrefaçon de droit d’auteur

L’arrêt rendu le 3 Septembre 2025 par la Cour de cassation constitue une avancée majeure en faveur des auteurs dont les œuvres musicales sont particulièrement exposées aux risques de diffusions répétées sur les plateformes. La Haute juridiction consacre en effet le principe d’une application distributive de la prescription : en présence d’actes successifs de contrefaçon de droit d’auteur, chaque nouvel acte (commercialisation, diffusion sur les plateformes…) fait courir un nouveau délai de prescription distinct de 5 ans.

Cass. Civ. 1ère, 3 Septembre 2025, n°23-18.669

A l’origine de cette affaire se trouvent les auteurs, compositeurs et coéditeurs du titre « Un Monde Sans Danger » qui constitue le générique de la célèbre série animée Code Lyoko, et l’adaptateur de sa version anglaise « A World Without Danger ».

Estimant que la mélodie du générique, sur laquelle ils revendiquent des droits d’auteur, avait été reprise par le groupe The Black Eyed Peas au sein du titre « Whenever » sorti en 2010, les auteurs ont mis en demeure le groupe d’avoir à réparer le préjudice subi du fait de cet acte de contrefaçon aux termes d’un courrier en date du 30 Décembre 2011.

Ce n’est pourtant que le 6 Juin 2018 qu’une action judiciaire en contrefaçon de droit d’auteur fut initiée à l’encontre des compositeurs du titre argué de contrefaçon, des producteurs, des sociétés de management ainsi que celles chargées de l’édition et la distribution du titre en France.

Aux termes d’un jugement en date du 9 Juillet 2021, la 3ème Chambre du Tribunal Judiciaire de Paris déclare irrecevables les demandes fondées sur le droit d’auteur en l’absence de justification de l’originalité de l’œuvre musicale revendiquée, et écarte par ailleurs le moyen tiré de la prescription soulevé en défense.

Par un arrêt du 17 Mai 2023, la Cour d’appel de Paris déclare quant à elle l’action en contrefaçon irrecevable car prescrite, rappelant qu’en vertu de l’article 2224 du Code civil, applicable en matière de contrefaçon, l’action se prescrit par 5 ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’occurrence, la Cour retient que les demandeurs avaient nécessairement connaissance des faits leur permettant d’exercer l’action en contrefaçon de droit d’auteur depuis le 30 Décembre 2011, puisqu’ils ont adressé à cette date une mise en demeure faisant état de ce que la reprise de la mélodie du générique par le titre Whenever constituait une contrefaçon.

Ainsi, la prescription quinquennale était acquise au jour de l’introduction de l’action en justice le 6 Juin 2018, bien que le titre en litige ait été encore dans le commerce ou disponible sur les plateformes de téléchargement en 2018 : selon la Cour, ces actes de commercialisation et de diffusion n’étaient que « le prolongement normal de la commercialisation et de la diffusion réalisées antérieurement » dont les demandeurs avaient eu incontestablement connaissance le 30 Décembre 2011 au plus tard.

Cette position qui s’inscrit dans la tendance de la jurisprudence antérieure est néanmoins censurée par la Cour de cassation aux termes de son arrêt du 3 Septembre 2025. Selon la Haute juridiction, lorsque la contrefaçon résulte d’une succession d’actes distincts (reproduction, représentation, diffusion), et non « d’un acte unique de cette nature s’étant prolongé dans le temps », la prescription court pour chacun de ces actes à compter du jour où l’auteur a connu un tel acte ou aurait dû en avoir connaissance.

Ainsi, le fait que le titre « Whenever » était toujours dans le commerce et disponible sur les plateformes de téléchargement en Mars et Avril 2018, soit moins de 5 ans avant l’introduction de l’action, ne constituait pas le prolongement des actes de contrefaçon réalisés en 2010 et constatés en Décembre 2011, mais bien des nouveaux actes de diffusion faisant chacun courir un nouveau délai de prescription de 5 ans.  

Cet arrêt marque un renforcement bienvenu de la protection des auteurs face aux exploitations répétées de leurs œuvres, en consacrant une approche distributive de la prescription plus adaptée aux réalités du numérique.

Il reste désormais à la Cour de renvoi de statuer sur la matérialité de la contrefaçon en tant que telle.

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